Un hibou vaniteux, reployant sa grande aile,
Vint s'arrêter près d'un ruisseau :
— Si le miroir de l'onde est aujourd'hui fidèle,
Je suis, pensa-t-il, vraiment beau.
Et, comme il s'admirait, rajustant sa toilette,
Une belette
Se glissa parmi les roseaux
Et vint boire aux limpides eaux.
— Belette, mon amie,
Lui cria le hibou,
Combien triste pour toi doit paraître la vie !
Tu rampes sur la terre et n'habites qu'un trou.
Je maudirais le sort si j'étais à ta place,
Et, loin de m'admirer dans ce calme miroir,
Je me noierais de désespoir !
— Je vous répondrai sans fallace,
Dit, en levant son fin museau,
La belette au vilain oiseau ;
Je n'ai point d'ailes, point de plume ;
N'en ayant jamais eu je n'en ai pas besoin :
Au reste je n'ai pas coutume
De chercher le bonheur bien loin.
Puis dans le danger je me sauve
Mieux que l'oiseau, mieux que le fauve,
Voyez : un chasseur vient, adieu !
Se fourrant au milieu
De l'épaisse fougère,
La belette légère
À ces mots disparut.
Aussitôt le hibou, hâtant son vol austère,
S'éleva de terre,
Mais par malheur pour lui le chasseur accourut.
Gardez-vous d'offenser par des paroles vaines
Ceux qui sont moins doués que vous ;
Ce qui fait notre orgueil devient souvent pour nous
Une source de peines.