Fêtant peu le soleil levant,
Un Hibou gagnait, en rêvant,
Vers la fin de la nuit, sa demeure secrète.
A peine il s'est posé qu'il voit une Belette.
Sur ce roc, si matin qui vous fait arriver ?
Dit-il, où courez-vous ? Je vais, dit la fluette,
Voir le grand roi des airs à son petit lever,
Et j'y vais de bonne heure afin de le trouver.
..L'Aigle,..-depuis longtemps, me doit une audience,
Je veux lui demander certaine récompense
Pour services rendus par un de mes aïeux.
J'ai de grands protecteurs, cela vaut souvent mieux
Que beaucoup de mérite et qu'un droit véritable ;
Aussi, je vois partout un accueil gracieux :
Le Lion m'a promis les restes de sa table,
Et de messire Léopard
Je vais obtenir tôt ou tard,
Pour l'aîné de mes fils, une des belles places
Dans les chasses.
Enfin, maître Renard, qui me parle d'amour,
M'a juré de gagner tous les puissants du jour.
Pour attirer sur moi les honneurs, les richesses ;
Mais tout cela, mon cher,, ce ne sont que promesses,
Je prends beaucoup de peine et ne fais qu'espérer.
Ah ! l'on a bien du mal, quand on veut prospérer !
0 vous, sage parfait s'il en est sur la terre,
Vous l'oiseau que Pallas s'honora de choisir,
Dites-moi votre avis et ce que je dois faire
Pour arriver plus vite au but de mon désir.
Moi, le meilleur conseil que je vous puisse offrir,
C'est d'oublier tout net votre belle chimère.
Pour tous les animaux sans cesse bienfaisant,
Jupiter vous donna le secours suffisant
Pour soutenir votre existence,
Pour vous loger, pour vous nourrir ;
Alors, pourquoi vous avilir
En demandant partout une oisive opulence ?
Comptez-vous donc pour rien la noble indépendance ?
Voyez, moi, je ne suis qu'un modeste Hibou,
Mais je m'estime roi dans le fond de mon trou ;
Je ne dois la valeur d'une obole à personne.
Sachez que trop souvent l'opulence qui donne
A celui qui reçoit réserve du mépris.
Croyez-moi, tenez-vous au métier de Belette,
Que dans votre famille on fait de père en fils ;
Dès lors, pour vous plus de soucis,
Sachez vivre de peu, votre fortune est faite.
Vous verrez l'opulent sans courber votre têle,
Car il'faut se montrer, n'oublions point cela,
Plus fier de ce qu'on vaut que de ce que l'on a.