La Cigale et le Hibou Jean-Auguste Boyer-Nioche (19è siècle)

Faisant résonner l'air de ses aigres accents,
La cigale, au temps chaud, importunait l'oreille
Du hibou son voisin, lui qui dans l'ombre veille,
Et le jour, au repos abandonnant ses sens,
Dans le fond de son trou paisiblement sommeille.
Un matin qu'il venait de gagner son réduit,
Il la conjura de se taire ;
Mais la babillarde, au contraire,
L'importuna d'un plus grand bruit.
Il renouvelle sa prière :
Le tapage est triplé. Malgré tous ses discours,
Voyant qu'on le bravait, pour punir la cigale,
Il appelle aussitôt la fourbe à son secours.
Ma foi, puisque les chants qui te rendent l'égale
Du savant dieu de l'Hélicon
Empêchent le sommeil de fermer ma paupière,
Je veux mettre à sec le flacon
Du nectar divin dont naguère
Pallas me fit présent. Vois, si le cœur t'en dit,
Tu peux venir ; je t'y convie.
Prise de soif ardente, et se trouvant ravie
D'avoir si bien chanté, la cigale partit.
Mais soudain le hibou, quittant son noir repaire,
La poursuit et l'atteint, frappe la téméraire,
Qu'un coup de son bec plonge en l'éternelle nuit.

Vous qui de l'humaine justice
Si souvent transgressez les lois ;
Vous qui, pour satisfaire un coupable caprice,
Insolemment d'autrui méconnaissez les droits,
Mortels, puisse à vos yeux le sort de ma cigale
Etre une leçon de morale !

Livre III, fable 13




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