J'étais au Luxembourg ; j'y trouvai deux vieillards
Bien babillards,
Qui se contaient mainte nouvelle ;
Je pouvais à loisir écouter leurs récits,
Car sur le même banc nous nous trouvions assis ;
Mais point d'avis d'en farcir ma cervelle,
J'allais les laisser là, lorsqu'un événement
Rapporté par l'un d'eux me toucha vivement ;
En voici le précis. Tout accablé d'années,
Enfin le malheureux Martin
Vient donc de terminer ses tristes destinées :
Sortant de chez moi ce matin
Pour aller voir l'ami Préville,
J'ai vu partir le corbillard
Qui le menait à Vaugirard,
Hélas ! son dernier domicile.
De qui me parlez-vous ? de cet homme indigent
A qui, plus d'une fois, au coin de cette rue,
L'aspect de ses haillons affligeant votre vue,
Vous fîtes part de votre argent ;
Lui qu'une banqueroute a, du sein de l'aisance,
Jeté dans l'affreuse indigence ?
J'y suis ; vous m'en avez, je crois,
Raconté l'histoire autrefois.
Sans doute nul ami n'accompagnait la bière ?
Les infortunés n'en ont guère !
Pardon, un seul lui fut constant,
Et chose, hélas ! trop peu commune,
Dans l'une et l'autre fortune
Il se montra le même. Il suivait d'un pas lent
Le funéraire char, et, la tête baissée,
On voyait bien qu'atteint d'une vive douleur,
Il était tout en proie à sa triste pensée.
Vous venez de m'offrir l'exemple d'un bon cœur ;
Son tendre dévouement me fait verser des larmes.
Délicieuse affection !
Sainte amitié ! quels sont tes charmes !
Il est de vrais amis ; votre narration
Le prouve bien !…
Ne vous y trompez pas, c'était son pauvre chien.
Titre complet : Une nouvelle du Luxembourg ou Le convoi du Pauvre