Le Hibou et la Cigale Henry Macqueron (1851 - 1888)

Au point du jour, dans le tronc d’un vieux hêtre,
Pour s’endormir, un Hibou s’enfonça.
Au point du jour, le nez à la fenêtre,
Une Cigale à chanter commença.
Les goûts sont différents, et l’un l’autre on se gêne ;
Mais c’est alors l’épreuve aux bons esprits.
Un peu de complaisance, et l’on aura pour prix
Un doux plaisir, au lieu des aigreurs de la haine.
Ainsi pensait du moins l’oiseau cher à Parlas,
Tout Hibou qu’il était, excellent caractère.
Il invita la chanteuse à se taire
Un seul instant, car il était si las
Que le sommeil l’assourdirait bien vite.
La Cigale chanta plus fort.
Sur nouvelle prière, à crier plus d’effort.
Et le pauvre Hibou, que ce vacarme excite,
Pour s’endormir en vain se tourne, en vain s’agite.
(Tout mal s’accroît du dépit qu’on s’en fait.)
L’aigre cri le poursuit jusqu’au fond de son gîte.
D’un peu de ruse enfin pour essayer l’effet,
Il se perche à sa porte, et d’un air satisfait :
« Que j’étais insensé ! Dit-il à la Cigale.
Quoi ! Je voulais dormir, m’abrutir de sommeil,
Quand ces accents, que rien n’égale,
De la création célébraient le réveil !
Mes yeux sont réjouis, mon oreille est charmée !
Et c’est votre talent, complaisant malgré moi…
Ah ! Continuez donc. » L’autre aussitôt :
« Ma foi, je chanterai plus tard ; je me sens enrhumée. »

Près des esprits peu complaisants, Contredisants,
Irez-vous raisonner ? Temps perdu de le faire !
Pour avoir blanc ou noir, priez-les du contraire.

Fable 3




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