Le Rossignol et le Hibou Louis Auguste Bourguin (1800 - 1880)

Le jour s'éteint, déjà l'abeille
A regagné son pavillon,
La caille dort dans le sillon,
Sur la branche l'oiseau sommeille ;

Au logis la chèvre, en bêlant,
Rapporte sa mamelle pleine,
Les boeufs lassés quittent la plaine,
Ramenant le soc d'un pas lent.

Amant de l'ombre et du mystère,
Un rossignol commence alors
A réveiller par ses accords
Les échos du bois solitaire.

Mais voici qu'un vilain hibou,
Sortant du tronc pourri d'un chêne,
Vint lui dire: « Tu perds ta peine;
Chanter, quand tout dort ! Es-tu fou ?

A ta complainte poétique
Fais trêve enfin, pauvre chanteur :
Tu n'as que moi pour auditeur
Et je n'aime pas la musique. »

Mais du Pindare ailé des bois
L'accent devint plus vif encore ;
Il modula jusqu'à l'aurore
Les sons enchanteurs de sa voix.

Il n'en fallait pas moins, je pense,
Pour prouver au hibou moqueur
Que l'art, douce extase du cœur,
Porte avec soi sa récompense.

Livre VI, Fable 18, 1856




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