La Pie et la Colombe Louis Auguste Bourguin (1800 - 1880)

« Apprends-moi ce qui te chagrine,
Disait Margot là pie, un jour,
 la colombe sa voisine.
Les tendres fruits de ton amour
Grandissent en paix stras ton aile,
Ton ramier t'aime, il est fidèle,
Pourquoi gémir et soupirer ?
— Ah ! j'en ai bien sujet, dit-elle :
Un milan vient dé dévorer
Ma pauvre sœur la tourterelle.
Que vont devenir ses petits
Dont le cri plaintif me déchire ?
Encor, si j'y pouvais suffire,
J'alimenterais lés deux nids ;
Mais j'aurais besoin d'être aidée.
Si tu voulais... — Moi, quelle idée !
En fait de peines, de soucis,
Nous avons bien assez des nôtres ;
Et se tourmenter pour lés autres,
C'est trop vraiment. Chacun pour soi,
Voilà ma devise et ma loi.
— Loi barbare, loi meurtrière !
Dit la colombe avec effroi :
Il vaut mieux gémir comme moi
Que d'être heureuse à ta manière. »

Livre VI, Fable 17, 1856




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