Un jeune rossignol entendant la fauvette
Qui roucoulait sa chansonnette,
Auprès d'elle, vole aussitôt,
Et l'apostrophe ainsi : Quoi, c'est ta ritournelle ?
Et tu crois chanter comme il faut?
Vraiment ta chanson n'est pas belle!
La bergère et le laboureur
Ne penseront pas, de leur vie,
A louer de tes chants la pauvre mélodie.
Moi, je suis écouté partout avec bonheur !
N'as-tu jamais, la nuit, goûté mon chant sonore.
Doux, plaintif, éclatant, toujours harmonieux ?
N'as-tu pas quelquefois, lorsque renaît l'aurore,
Vu les jeunes bergers m'écouter tout joyeux?
Chacun trouve ma voix si suave et si douce !
Souvent même un chasseur vient s'asseoir sur la mousse
Pour avoir les plaisir d'entendre mes refrains
Que l'écho du grand bois redit tous les matins. »
Messire rossignol ayant assez de langue,
Ne finissait pas sa harangue.
La fauvette tout bas, maudissant l'orgueilleux,
Aurait voulu pouvoir disparaître à ses yeux,
Quand tout à coup, saisis de rage,
Des pinsons, des bouvreuils, font assez grand tapage ;
Ils avaient entendu le joli compliment
Que notre rossignol s'appliquait bravement
En prenant un air d'arrogance.
Pour le punir de sa jactance,
Ils volent tous vers l'insolent
Et lui disent en chœur : « Bien grande est ta démence,
Si tu te crois ainsi chanteur de grand talent 1
La fauvette toujours, nous jette dans l'extase ;
C'est la reine des bois, son chant est doux et pur,
Aussi lorsqu'on entend ton insipide phrase,
0 pauvre rossignol on te trouve bien dur ! »
A ces mots, l'orgueilleux, troublé, couvert de honte,
Alla se cacher dans un trou
Où ce trouvait un vieux hibou
Qui le reçut, d'après ce qu'on raconte,
En lui disant : « Tu vois par cet événement
Que se vanter trop fort peut devenir nuisible :
A l'avenir, l'ami, va plus modestement
Ou gare des voisins lu colère terrible ! »