La Fauvette et le Rossignol Jean-Pierre Claris de Florian (1755 - 1794)

Une fauvette, dont la voix
Enchantait les échos par sa douceur extrême,
Espéra surpasser le rossignol lui-même,
Et lui fit un défi. L’on choisit dans le bois
Un lieu propre au combat : les juges se placèrent ;
C’étoient le linot, le serin,
Le rouge-gorge et le tarin.
Tous les autres oiseaux derrière eux se perchèrent.
Deux vieux chardonnerets et deux jeunes pinsons
Furent gardes du camp ; le merle étoit trompette,
Il donne le signal. Aussitôt la fauvette
Fait entendre les plus doux sons ;
Avec adresse elle varie
De ses accents filés la touchante harmonie,
Et ravit tous les cœurs par ses tendres chansons.
L’assemblée applaudit. Bientôt on fait silence ;
Alors le rossignol commence :
Trois accords purs, égaux, brillants,
Que termine une juste et parfaite cadence,
Sont le prélude de ses chants.
Ensuite son gosier flexible,
Parcourant sans effort tous les tons de sa voix,

Tantôt vif et pressé, tantôt lent sensible,
Étonne et ravit à la fois.
Les juges cependant demeuraient en balance.
Le linot, le serin, de la fauvette amis,
Ne vouloient point donner le prix ;
Les autres disputaient. L’assemblée, en silence,
Écoutoit leurs doctes avis,
Lorsqu’un geai s’écria : Victoire à la fauvettel
Ce mot décida sa défaite :
Pour le rossignol aussitôt
L’aréopage ailé tout d’une voix s’explique.

Ainsi le suffrage d’un sot
Fait plus de mal que sa critique.

Livre IV, fable 13




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