Le Chasseur et le Lapin Gabriel-T. Sabatier (19ème)

Un chasseur furetait les coteaux et la plaine,
Traquant avec ardeur un malheureux lapin,
Et ce pauvre animal croyait sa mort certaine,
Mais un fait tout forfuit vint le sauver soudain :
Fuyant devant les chiens sans détourner la tête,
Il sautait d'un seul bond les fossés, les ruisseaux;
Semblable au tourbillon chassé par la tempête,
Il glissait le long des coteaux.
Enfin la fatigue l'accable,
Sa course par degrés, semble se ralentir
« Je ne suis, se dit-il, qu'un pauvre misérable ;
Pour moi, tout est fini, hélas! je vais mourir! »
Le chasseur lui criait : « Je te tiens, mon compère!
Tu n'iras pas loin je l'espère ! »
Lorsqu'il voit des perdreaux au milieu des genêts.
Délaissant le coteau pour aller vers la plaine,
Il laisse le lapin qui se traînait h peine,
Et celui-ci regagne les forêts.
En arrivant chez lui, narrasse, hors d'haleine,
Il raconte a ses fils sa détresse soudaine
Et leur dit : « Aujourd'hui, j'ai vu de près lu mort ;
Me voici cependant au port !
Enfants, je suis d'avis qu'il nous fuut en conclure
Que même lorsque tout prend mauvaise tournure,
Nul ne doit se laisser aller au désespoir ;
Tantôt de deux gros chiens, quand j'ai senti l'haleine,
J'ai pensé, c'est ma fin 1 vous le croyez sans peine,
Et je suis cependant plein de santé ce soir !

Livre III, Fable 3, 1856




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