Il était un Lapin comme l'on en voit peu,
Faisant parade de prouesses ;
Embuscades, bâtons, n'étaient pour lui qu'un jeu ;
Du renard, à l'entendre, il avait les finesses :
Aussi l'appelait-on capitaine Janot.
Un jour donc, notre capitaine
S'égayait dès l'aurore au milieu d'une plaine,
Lorsqu'il voit accourir la troupe de Brifaut.
Que faire ? décamper. Mais que dirait l'histoire ?
Pour soutenir son grade il veut avoir la gloire.
De mettre les chiens en défaut.
Ceux-ci de lui donner la chasse ;
Janot de partir comme un trait,
Franchissant maint fossé, traversant maint guéret ;
Puis de s'arrêter court au bout d'un long espace,
En attendant la meute avec un air d'audace ;
Puis de recommencer les sauts,
Et, par mille bonds inégaux,
De faire évaporer le fumet de sa trace.
Le voilà maintenant rentré dans son palais,
Le pied levé, l'œil aux aguets,
L'oreille tendue au qui vive.
La troupe de Chasseurs en même temps arrive,
Et dresse à l'entour ses filets.
Je doute cette fois que le drôle s'esquive ;
Car Miraut, vieux chien de relais,
A juré par sa barbe grise
Que la bête allait être prise ;
En pareil cas il ne mentit jamais.
Chasseurs et chiens, tout garde le silence.
Une heure passe, deux, et pas le moindre bruit :
Il faut à ce métier beaucoup de patience.
Mais que fait le Lapin dans son obscur réduit ?
Il croit enfin qu'on a levé le siège.
Il veut s'en assurer, s'avance au bord du trou :
L'étourdi tombe dans un piège ;
Le piège se détend, et lui serre le cou.
Il eut beau dire, il eut beau faire,
Le Chasseur affamé fut sourd à sa prière,
Ainsi que le pêcheur à celle du carpeau :
Après en avoir fait grand'chère
On fit un manchon de sa peau.
Avoir plus de prudence et moins de vaillantise,
Du sage telle est la devise.