Le Chasseur et le Rossignol L-S du Ruisseau (16?? - 17?)

Au défaut d'un Canard, d'un Oison, d'une Grue
Un Chasseur entendit chanter un Rossignol,
Ce Chasseur là, dit-on, était un Espagnol,
La rime aussi le dit, elle en doit être crue.
Cette voix éclatante à notre homme inconnue,
Lui fit croire d'abord, que c'était un Oiseau
Des habitants de l'air le plus gras, le plus beau ;
Propre à faire, en un mot, l'ornement d'une table.
Je laisse à penser le désir
Qu'il sentit pour le découvrir,
Ce qui n'était pas trop faisable ;
Car le maître chanteur au plus épais du bois
Se retirait toujours à la première approche.
L'autre qui ne pensait qu'à le mettre en sa poche,
Et qui pour cet effet le suivait à la voix,
Après mainte et mainte corvée
L'aperçût à la fin caché sous la feuillée.
D'abord il vous lâche son coup,
Avec un bruit semblable à celui du tonnerre,
Et plus que suffisant pour assommer un Loup.
Voilà le Rossignol par terre :
Notre Chasseur ravi court pour le ramasser.
De vouloir exprimer qu'elle fut sa surprise,
Je n'y dois ni n'y veux penser
J'échouerais dans cette entreprise.
C'est donc là le Gibier que j'aurai pour régal,
Disait-il en branlant la tête,
Voila donc ce bel animal
Dont tantôt je me faisais fête.
Ha! je connais trop tard, vil oiseau de ces bois,
Que tu n'est que plume et que voix,

Voit- on dans les plaisirs du Monde,
Pour lesquels nous courons sur la terre et sur l'onde,
Plus de réalité qu'aux moindres des Oiseaux ;
Et n'avouerons nous pas, qu'après bien des travaux,
Parvenus à leur jouissance,
Dans leur possession nous trouvons l'indigence;
Et même très souvent la source de nos maux.

Livre II, fable 16




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