Le Cheval et l'Âne L-S du Ruisseau (16?? - 17?)

Un Cheval né dans la Gascogne
De Père et de Mère Gascons,
En voyageant par la Bourgogne,
Voulut montrer aux Bourguignons
De quoi pouvait être capable
Un Noble de sa Nation.
Couvert de son caparaçon
Brodé d'un ouvrage admirable,
Bride et selle à proportion ;
Enfin tel que le sont les Chevaux de Parade.
On voyait ce fier Animal,
Avec un orgueil sans égal ,
Presqu'à tous les passants faire quelque algarade.
Un jour qu'en son chemin se trouva, par hasard,
Un pauvre Roussin d'Arcadie,
N'as-tu donc pour moi nul égard ?
Lui dit arrogamment le Cheval en furie !
Retire toi vite d'ici,
S'il te reste poursivre encor quelque souci.
Le Grison, sans oser rien dire,
A côté du chemin aussitôt se retire.
Alors tout enflammé d'un orgueilleux transport,
Le Cheval à perte d'haleine,
S'étant mis à courir, fit un fi grand effort ;
Que nôtre Bucéphale à la fin s'ouvrit l'aine.
Aussitôt, dépouillé de son riche harnois,
Il fallut subir d'autres lois.
Un manant de lui fit emplette,
Et dès le lendemain fans aucune façon,
Sans selle et sans caparaçon,
A ce fier Animal fit trainer la charrette.
L'Âne qui l'aperçût dans ce piteux état,
N'ayant ni vigueur ni courage,
Qu'est devenu, dit- il, ce pompeux équipage
Qui te faisait paraître aveque tant d'éclat ?
Certainement mon Camarade
Te voilà bien payé de ta fanfaronnade.

J'ai connu, non pas des chevaux,
Mais de ces autres Animaux
Qualifié, mais à tort, d'animaux raisonnables,
Lesquels dans la fleur de leurs ans,
Esclaves de l'orgueil, de l'aise et du bon temps,
De riches qu'ils étaient, sont tous morts misérables.

Livre II, fable 15




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