Un pauvre une, maigre, affamé,
Chez un cheval gras comme un moine
Vient demander un peu d'avaine.
« Je n'ai point de sac entamé,
Lui répond-il ; à ta misère
Je suis sensible, et demain j'enverrai
Dans ton logis une mesure entière.
— Demain, dit l'âne ; ah ! je mourrai
Si j'attends seulement une heure.
— Oui, demain, reprend le cheval,
Demain, reviens dans ma demeure.
Va, je sens vivement ton mal,
Mais, mon cher, quand je mange,
Je n'aime point qu'on me dérange.
— Ah ! seigneur ! un peu seulement !
— Je n'ai pas le moment ;
Va, ne crains pas que je t'abuse ;
À demain, te dis-je, un sac plein !
— Las ! que sera ce sac demain,
Si ton cœur me refuse,
Dans le besoin où tu me vois réduit,
Quelques grains aujourd'hui ! »