Un jeune peuplier
Orgueilleusement clans la nue
Levait son front altier ;
La modestie était en ce temps peu connue.
En face du présomptueux
Languissait un vieux chêne.
Flétri par des jours orageux,
Il attendait la mort que la vieillesse amène.
« Je fais le charme de ce pré,
De ce vallon, de ces collines,
Se dit le peuplier de fumée enivré ;
La rose a ses épines,
Mais moi, noble ornement
De la somptueuse nature,
Je suis parfait dans ma structure ;
Je me balance au gré du vent,
Le front couronné de verdure.
Cependant, qu'ici-bas les biens sont imparfaits !
Toujours ! toujours, de la fortune
Quelqu'ennui chasse les attraits.
Hélas ! la présence importune
D'un chêne décrépit, incapable de bien,
Empoisonne mes jours sans cesse,
D'un chêne qui jamais ne fut utile à rien !
— A rien ! dit l'autre ; ingrat ! dans ta jeunesse,
Le plus chétif des arbrisseaux,
Tu fus heureux qu'un seul de mes rameaux
Daignât soutenir ta faiblesse. »