Homme ! sois un peu fier, mais ne sois pas méchant.
Tu crois à ta grandeur : elle est bien contestable.
Mais ne va pas toujours cherchant
À te montrer plus implacable.
Les animaux, dis-tu, sont faits pour toi... Le loup
Se complairait aussi beaucoup
A décerner aux siens un pouvair si commode.
Enfin, bon gré, mal gré, si tu t'en fais un code,
Tempère-le du moins par un peu de douceur,
Et sois le plus parfait des êtres par le cœur.
Un homme abrité sous un chêne
Rêvait sur son espèce et la glorifiait.
Il avait sous les yeux la plus brillante scène :
Insectes, papillons, fleurs, tout lui souriait.
- Tout existe ici pour me plaire,
Disait-il bien haut, j'y suis roi :
Oiseaux, prairie, épis, tous les biens de la terre
N'ont été créés que pour moi.
L'écho qui me répond, l'étaile scintillante,
Le nuage qui flotte et l'onde murmurante
Ne sont là que pour mon plaisir,
Et, si tel était mon désir,
Je pourrais, sans remords, détruire
Insectes, fleurs, oiseaux... - De grâce, épargnez-nous,
Dit une fleur ; jamais cherchons-nous à vous nuire ?
N'écoutez pas votre courroux.
Hélas ! nous n'existons brillantes, parfumées,
Qu'avec le désir d'être aimées.
Vous trouvez nos parfums si doux !
Soyez bon, laissez-nous la vie. -
-Souffrez que je voltige au gré de mon envie,
Cria le papillon ; je ne vous nuis en rien.
Je trouve un facile entretien
Dans le sein de la fleur que j'aime,
Et je suis presque fleur moi-même ;
Peut-être quelquefois ai-je charmé vos yeux. -
-Laissez-moi chanter de mon mieux,
Lui dit un rossignol ; je ne veux que vous plaire.
Pourquoi nous seriez-vous contraire ?
Les rossignols sont-ils méchants ?
Nous charmons les forêts. Nos chants,
À votre propre avis, ne sont pas sans mérite.
Soyez humain et quittez vite
Ce tube affreux que j'aperçois.
- Je vous amuse aussi parfois,
Dit un grillon, laissez -moi vivre.
Je suis triste et muet tant que dure le givre ;
Mais, dès qu'il est passé, je chante les beaux jours,
Les prés, les bois et mes amours. —
Ils suppliaient en vain ; dans son humeur cruelle
L'homme brisa la fleur, écrasa le grillon,
Il abattit le papillon
Et, s'armant du fusil, il frappa Philomèle.
- Grands dieux ! cria le chêne au méchant, de quel droit
Immoler tant de créatures ?
Conte-moi leurs forfaits, redis-moi leurs injures,
Tâche de m'expliquer ton exécrable exploit. -
-Insectes, fleurs, oiseaux, existaient pour me plaire,
Et je pouvais en disposer.
Ils jonchent à présent la terre ;
Peux-tu plaindre leur sort, s'ils ont pu m'amuser ? —
- Ah ! mortel orgueilleux, dis- moi, je t'en conjure,
De qui t'est venu ce pouvair ?
Tu te crois grand, vanité pure :
Où sont tes titres ? Fais-les voir.
Noble est, dit-on, ton industrie ;
Mais n'est-il pas mille animaux
Dont je pourrais citer les glorieux travaux ?
Et vivre sagement, le sais-tu, je te prie ?
Ton esprit est léger, ton savoir incertain.
Tu bâtis des cités que décime la faim.
Là, tout près de palais où ta science vaine
N'est jamais parvenue à fixer le bonheur,
Résident l'envie et la haine,
Qui sans cesse engendrent la peur.
Souffrir et tourmenter, c'est toute ton histoire.
Encor si tu vivais des siècles comme moi.
Mais à peine on te voit passer..... Et tu peux croire
Que tout rayonne autour de toi ? -
-Jerègne, c'est assez ; que m'importe le reste ?
- Tu règnes ; mais assurément
Tu n'es qu'un tyran qu'on déteste.
L'orgueil est un faux jugement.
Sois juste et tu seras modeste.