Certain homme, très haut placé,
Se croyait le droit d'insolence :
Malheur à qui l'avait blessé
Par étourderie, imprudence.
Il faisait volontiers peser sur les petits
Tout le poids de son importance :
On le voyait toujours imposer son avis,
Et sa moindre parole était une sentence.
Il prenait le haut du pavé,
Et si quelqu'un avait l'audace
De lui disputer cette place,
Le bras de l'arrogant était bientôt levé.
- Je suis tel, c'est ma façon d'être. —
Un beau jour il trouva son maître :
Ayant frappé quelqu'un qui l'avait coudoyé,
Celui- ci, sans être effrayé,
Le prit à bras le corps et le jeta par terre ;
Et si grande était sa colère,
Qu'il allait, je crois, chez Pluton
L'envoyer prendre un autre ton,
Quand soudain parut la Sagesse,
Passant, par hasard, en ces lieux :
-Hé! qu'est ceci, dit la déesse,
Pourquoi ce courroux furieux ? ---
-- C'est un maître arrogant...
Il faut le punir d'autre sorte.
N'importe ;
Cet homme se déguise ; ôtez-lui promptement
Le lustre mensonger de son ajustement,
Et, le promenant à la ronde,
Exposez nu ce fourbe aux yeux de tout le monde.
Ce qu'a dit la déesse, on le fait à l'instant :
(Dans cet heureux pays, on l'aime, on la vénère,
Tandis que chez nous... mais qu'y faire ?...)
On dépouille notre arrogant ;
On lui prend ses habits et sa fausse moustache.
Il avait un toupet que bien vite on arrache.
Il possédait même un faux nez !
Bientôt les yeux sont condamnés
(Puisque ainsi le veut la Sagesse)
- À le voir nu...Grands dieux ! que voit-on ? la Bassesse.