Le Bonhomme Richard Édouard Parthon de Von (1788 - 1877)

Je lis souvent le bonhomme Richard,
Et fais grand cas des conseils qu'il nous donne ;
Pour moi, je vois dans ce vieillard
La philosophie en personne.
« Mes bons amis, dit-il, évitez avec soin
La plus petite négligence ;
Elle peut vous mener plus loin
Et causer, bien souvent, plus de mal qu'on ne pense. »

Un cavalier visitait son cheval :
A l'un des fers de l'animal,
Déjà sellé, tout prêt à se mettre en voyage,
Notre inspecteur avise un trou
Sans clou.

« Bah ! » se dit-il, « partons, sans tarder davantage ;
Ce clou là ne servait à rien,
Et les six autres tiendront bien ;
Ma confiance en eux ne sera pas trahie :
Faute d'un moine, l'abbaye,
Comme l'on dit, ne manque pas. »

Et notre homme met, de ce pas,
Son cheval au galop, l'affaire étant pressée.
Après une heure ainsi passée,
Et déjà loin de tout logis,
Un bruit fâcheux, un cliquetis
De fer sur le pavé tout à coup le réveille.
Ce bruit, pendant un temps, résonne à son oreille,
Puisse il cesse, lorsque le fer
Finalement se détache et se perd.
La bête déferrée, à chaque moment, butte,
Trébuche, à chaque pas, s'abat, et, dans la chute,
Une jambe, sous l'animal,
Dans l'étrier demeure embarrassée,
Et notre voyageur a la cuisse cassée.
L'infortuné ! quel accident fatal !
Le bonhomme Richard assure
Que, peu de temps après, il fallut l'amputer,
Et qu'il mourut de sa blessure.
De la fin du récit je me plais à douter ;
Grands dieux ! avez-vous pu permettre
Qu'il résultât un si grand mal
De ce qu'un voyageur négligea de remettre
Un seul clou, qui manquait au fer de son cheval !

Livre IV, fable 20




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