Le Philosophe, l'Enfant et le Richard Jean-Louis-Marie Guillemeau (1766 - 1852)

Un bon philosophe vivait
Dans un simple et rustique asile,
Qu'il avait su rendre fertile
Par tous les soins qu'il lui donnait.
À ses côtes on voyait luire,
Comme un jeune astre à son levant,
Un doux et gracieux enfant
Rempli du désir de s'instruire ;
Mais ce sage, de l'art dédaignant les secours,
Agissait toutefois avec ordre et prudence ;
Et pour développer sa jeune intelligence,
Aux plus simples moyens il avait eu recours.
Aussi toujours attentif et docile
Aux leçons que cet homme habile
Lui donnait aussi bien aux champs qu'à la maison,
Pour cet enfant, ce fut chose facile
D'amasser un trésor de savoir, de raison.....
Vers cette époque, où la nature
Embellit tout, dans les prés, dans les champs ;
Lorsque le rossignol invite, par ses chants,
A venir folâtrer gaîment sur la verdure,
Un riche citadin. las des plaisirs menteurs
Que l'hiver offre aux habitants des villes,
Dans un château, bâti sur les hauteurs,
Escorté de valets insolents et serviles,
Vint dissiper ses ennuis, ses langueurs.
Mais loin de se livrer, dans ce séjour champêtre,
Aux doux ébats qu'inspire le printemps,
On le vit aussitôt s'empresser de paraître,
Suivi de chiens, de cors, de chevaux hennissants,
Et faire une incessante guerre
Aux lièvres, aux lapins, comme aux cerfs haletants,
Qui, vainement, fuyaient sur la bruyère,
Et les chiens affamés, et les plombs menaçants...
Un jour trouvant sur son passage
Cet enfant, aimable et charmant,
Il fut frappé de son langage,
De son extérieur séduisant.
Venez, venez, dans ma demeure,
Lui dit-il, ô! jeune enfançon,
Chez moi vous trouverez, toujours à l'unisson,
Un nouveau plaisir pour chaque heure.
Laissez votre ennuyeux pédant,
Sans cesse armé de sa férule ;
Trop de savoir est ridicule,
Et je l'estime faiblement.
Contre moi, dit l'enfant, ne gardez point rancune,
Monsieur, si tous vos biens me semblent sans valeur,
Et si je prise plus ceux de mon bienfaiteur :
Seuls, ils sont à l'abris des coups de la fortune.