Au sein d'une campagne agréable et fertile,
Vivait un simple villageois ;
Loin des fracas, des ennuis de la ville,
De la nature seule il écoutait la voix.
Content des biens fournis par Cérès et Pomone,
Sans nulle ambition, comme sans vanité,
Il n'eût pas même, au prix d'une couronne,
Sacrifié sa douce liberté.
Bien que, déjà, sur le retour de l'âge,
Et que le temps eût blanchi ses cheveux,
Toujours fort, toujours vigoureux,
Au plus jeune il eût pu disputer de courage.
Fidèle à ses devoirs, sensible, affable, humain,
Jamais le pauvre, en vain, ne lui dit sa misère,
Et toujours chez lui l'orphelin
Crut retrouver le cœur d'un père.
Ainsi que ces modestes fleurs,
Dont le parfum décèle la présence,
Ses vertus et sa bienfaisance
Attiraient vers lui tous les cœurs.
Un savant qui, toute sa vie,
Sur les livres était resté,
De constater la vérité,
Conçut un jour la fantaisie.
Après avoir longtemps avec lui discouru
Le philosophe étonné, confondu,
De son raisonnement admirant la justesse,
Et de son cœur les nobles sentiments,
Lui dit : je vois que la sagesse
Vous guida dans tous les instants ;
Que les auteurs les plus savants
Vous ont accompagné sans cesse,
Et que, durant votre jeunesse,
Des voyages sur mer et sur les continents
Ont secondé tous vos heureux penchants...
Je ne quittai jamais le toit qui m'a vu naître,
Lui dit en souriant le fortuné vieillard,
Mais la nature, et jamais l'art,
Toujours me dirigea dans mon séjour champêtre.
Portant autour de moi des regards scrutateurs,
Des animaux divers j'étudiai les mœurs.
De la fourmi, j'appris la prévoyance ;
De mon chien, la fidélité ;
Des tourtereaux, l'amour et la constance ;
Et des petits oiseaux, dans leur nid qui commence,
Le sentiment de la paternité.
Les animaux cruels, én me montrant leurs vices,
Tels que l'hyène et le tigre indompté,
M'ont aussi fait sentir le prix de la bonté ;
Et j'appris d'eux à trouver des délices
En soulageant la pauvre humanité....
Hélas ! que dites-vous, reprit le philosophe,
Plus que dans les forêts, les lieux inhabités,
Des tigres sont dans nos cités,
Où, tout au moins, faits de la même étoffe,
Et, par le malheureux, tout autant redoutés.
Ah ! pour trouver une morale pure,
Il faut, ainsi que vous, n'habiter que les champs ;
Et bien loin des cités, sans livres décevants,
Suivre les lois de la nature.