« Or, argent, vils métaux, maudit soit le premier
Qui, des entrailles de la terre,
Vous arracha ! disait, dans son grenier,
Un philosophe atrabilaire
Ne possédant pas un denier.
Avec vous entra dans le monde
Des vices la cohorte immonde.
Vous brouillez les meilleurs amis :
Grâces à vous, entre pères et fils,
S'élève trop souvent une funeste guerre.
Grâces à vous, pour suivre un séducteur,
La fille abandonne sa mère.
A l'avide spéculateur,
Vous dictez des calculs sordides :
Vous déliez la langue du flatteur ;
C'est à vous que l'on doit les vols, les homicides.
Contre lui-même du joueur
Vous armez la main meurtrière,
En excitant sa cupide fureur.
Votre influence au crime, au déshonneur,
Entraîne une épouse adultère.
Vous.. » — « Allons, mon ami, calme un peu ta colère,
Dit un louis. Ces vils métaux
(Pour me servir de ton vocabulaire)
Sont, à la vérité, cause de mille maux ;
Mais quel précieux avantage
N'en peut-on pas tirer par un prudent usage !
Vois cet homme à la fois actif et bienfaisant :
C'est au moyen de l'or qu'à l'honnête artisan,
Assurant chaque jour un utile salaire,
Il devient le soutien d'une famille entière.
Dans les humbles réduits, même dans les prisons,
L'or, en secourant la misère,
Porte des consolations.
Ce sexe charmant, fait pour plaire,
Au riche apprenant à jouir,
A des bals élégants invite l'opulence,
Et fait servir l'or du plaisir
A soulager la timide indigence.
C'est par l'appât de l'or que le navigateur
Bravant la mort et les orages,
A travers l'Océan, par-delà l'équateur,
Découvrit de nouvelles plages.
Des savants excitant le talent inventeur,
L'or sut doubler les efforts du génie,
Et, pour seconder l'industrie,
Au secours de la force appela la vapeur.
Il protège l'agriculture
Et propage de l'art les utiles produits.
Toi-même, si, par aventure,
Tu possédais quelques louis,
Ne mettrais-tu pas en lumière
Ces profonds et doctes écrits
Qui doivent éclairer, dis-tu, l'Europe entière ;
Et qui, privés de l'ascendant
De ce véhicule puissant,
Obscurément gisent dans la poussière ?
Conviens donc que l'or et l'argent,
Contre lesquels, tout en les convoitant,
Tes pareils et toi dites rage,
Sources de maux dans les mains du méchant,
Sont des sources de biens entre les mains du sage. »