Un papillon volage, une prudente abeille,
Auprès d'une rose vermeille,
Dans un magnifique jardin,
Se rencontrèrent un matin.
« D'honneur, dit du zéphyr le courtisan folâtre,
La nature envers vous se montra bien marâtre.
Pouvez-vous comparer aux charmantes couleurs
Dont brille ma robe éclatante
Votre tournure inélégante ?
En grâces, en beauté, je le dispute aux fleurs :
Aussi j'obtiens leurs plus douces faveurs.
Sensibles à mes vœux, chacune-, à peine éclose,
De me céder se fait un plaisir, un devoir.
- Vous, ma chère, je le suppose,
Vous n'avez pas conçu le chimérique espoir
De plaire à cette belle rose ? »
« Lui plaire. moi, faire ma cour !
De m'occuper d'un soin aussi futile
J'ai bien le temps !. Vous pouvez, tout le jour,
De fleur en fleur voler en lacs d'amour :
Pour moi, je m'attache à l'utile.
Leur surprendre un baiser, leur faire un doux larcin,
Vraiment je n'en ai pas l'envie ;
Je ne viens chercher dans leur sein
Que la savoureuse ambrosie
Dont je sais composer ce miel si précieux,
Doux aliment de notre colonie,
Et qui fournit à l'homme un mets digne des Dieux.
Soit calcul, soit reconnaissance,
L'homme, en retour, veille à notre existence.
Il nous construit de solides maisons
Où nous pouvons braver l'injure des saisons.
Laissons là ces discours, car le travail m'appelle.
Quant à vous, ami du plaisir,
Et voltigeant de belle en belle,
Tout entier au présent, ne songez qu'à jouir ;
Mais attendons l'hiver. » L'hiver vint : la froidure,
Déchaînant les noirs aquilons,
Fit succéder aux fleurs les frimas, les glaçons
Et de son triste voile assombrit la nature :
Plus de roses, plus de verdure.
Tandis qu'avec sécurité
L'abeille vit en paix, dans son obscur asile.
Des trésors que, durant l'été,
Elle sut amasser en ménagère habile,
Si brillant autrefois, le pauvre papillon,
Solitaire, transi, près d'un épais buisson,
Par la faim et le froid voit terminer sa vie.
« Ah ! dit-il en mourant, honnêtes artisans,
Aux jeunes désœuvrés, aux légers courtisans,
Gardez-vous de porter envie. »