Où vas-tu, disait une Abeille
Au plus léger des Papillons,
Désertant les fleurs d'une treille,
Pour voler à d'autres moissons ?
LE PAPILLON
Je vais jouer dans ces vallons ;
Flore les émaille de roses,
Fraîches, Dieu sait !.. à demi-closes,
Et captives dans leurs boutons :
Je me sens un désir pour elles...
L'ABEILLE
Et ce désir là satisfait ?
LE PAPILLON
Regarde !... n'ai-je pas des ailes ?
J'irai vite au lys, à l'œillet,
Aux jacinthes les plus nouvelles :
Sous le gazon le plus secret
Je surprendrai la violette ;
Puis je partirai comme un trait.
En ai-je cueilli le duvet ?
La fleur n'a rien que je regrette.
L'ABEILLE
Et de ces volages amours
Quel est le fruit ?
LE PAPILLON
Ma foi, ma Bonne,
Lorsque l'on vit si peu de jours,
Il ne faut pas que l'on raisonne.
Je ne vois jamais deux Printemps ;
Tel est l'ordre des destinées ;
Et, dans mes courses fortunées,
Je veux que l'emploi des instants
Supplée au nombre des années.
L'ABEILLE
Vas, cours, c'est trop longtemps jaser
Avec un être aussi futile.
Dépêche-toi de t'amuser,
Je vais me hâter d'être utile.