Les trois Philosophes en Egypte Alexandre Coupé de Saint-Donat (1775 - 1845)

Les juges, le prévôt et la gendarmerie,
A Memphis menaient pendre, en grand' cérémonie,
Un philosophe, un scélérat,
Pour avoir blasphémé le saint-nom du dieu Chat.
Les prêtres d'AElurus, les bedeaux, la canaille
Et l'égyptienne marmaille,
Courraient à ce spectacle édifiant, moral,
Religieux, sentimental.
O Ciel ! peut-on permettre une telle infamie,
Disait un prêtre du dieu Rat ?
Que ferait-on, si cet impie
Eut blasphémé mon Dieu ; mais quoi ! c'est pour un chat
Qu'on prive un homme de la vie !
A quelque temps de là le contraire arriva.
Un homme, de pareille étoffe,
Un indévôt, un philosophe,
Contre les ichneumons et les rats blasphéma.
L'aréopage en fit prompte justice,
Notre homme, ainsi que l'autre, est conduit au supplice.
Barbares ! s'écriait un prêtre du dieu Chat,
Vous osez immoler un homme pour un rat !
Victime d'un parti, dans le parti contraire
On trouve des amis, c'est la règle ordinaire.
Mais voilà bien un plus grave délit ;
Un autre raisonneur, à son tour, prétendit
Que les chats, que les rats, ces animaux immondes,
Devaient céder le pas à la divinité
Qui fut de toute éternité,
Et dont le souffle anime tous les mondes.
Contre cet imprudent chacun se réunit,
On crie au novateur, à l'impie, au scandale.
Pour l'intérêt de la morale,
Comme les précédons, en pompe, on le pendit ;
Mais, ayant irrité l'une et l'autre sorbonne,
Ce dernier raisonneur ne fut plaint de personne.

Fable 25




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