Les deux Philosophes et la Vigne Théodore Lorin (19è siècle)

Deux voyageurs passaient près d'une vigne :
L'un sévère stoïcien,
L'autre aimable épicurien.
Le premier s'irrite, s'indigne :
« Que maudit soit celui qui t'a planté,
Fruit par le sage, à bon droit, détesté !
S'écria-t-il : de ta grappe perfide
Les hommes ont tiré ce funeste poison
Qui détruit leur santé, dérange leur raison,
Les abrutit, les porte au crime, à l'homicide. »
« Suspends un peu ton éloquent sermon,
Interrompit son compagnon.
Dans cette liqueur enivrante
Que le ciel nous versa de sa main bienfaisante,
Et que proscrit ton triste emportement,
On peut puiser, au lieu de l'abrutissement
Et des fureurs de l'aveugle folie,
Les éclairs de l'esprit, le feu de la saillie,
La vive expression d'un tendre sentiment ;
Au lieu de la mélancolie,
Les refrains animés d'une franche gaîté ;
Au lieu de la faiblesse et de la maladie,
Un calme heureux, la vigueur, la santé ;
Enfin, la paix et la douce harmonie,
Au lieu de la discorde et des cruels débats.
Le secret est bien simple : usons, n'abusons pas. »

Livre III, Fable 10




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