D'un richard en crédit accusant l'opulence,
Ln poète voulut, un jour.
En appeler au roi de la céleste cour.
Jupiter les convoque et les met en présence.
Mais, pâle, à jeun , maigre, abattu,
Pauvrement chaussé , mal vêtu,
Notre poète au ciel fait bien triste figure.
L'autre, d'un riche habit étalant la parure,
Se prélasse dans l'or, et , d'orgueil tout bouffi,
En pompeux appareil vient répondre au défi.
« Roi des cieux, dont la main terrible ou débonnaire,
Sait dissiper la nue ou lancer le tonnerre,
Dit le poète ému , prends mon sort en pitié !
Quel crime m'a ravi ta puissante amitié ?
Depuis que je suis né , la fortune traîtresse
D'un injuste courroux accable ma jeunesse;
Je n'eus jamais , hélas! un coin pour me loger.
D'oreiller pour dormir, de cuiller pour manger.
Par le besoin pressé sans trêve,
Je n'ai rien possédé qu'en rêve ;
Tandis que mon heureux rival,
Qui pour mérite a sa richesse,
Dans un brillant palais engraissant sa paresse,
Des mains de ses flatteurs reçoit l'encens banal
D'un culte sacrilège à tes honneurs égal.
— N'est-ce donc rien pour toi, répond le roi du monde,
De savoir qu'à jamais par l'écho répété,
Le son de ta lyre féconde
Charmera la postérité ?
Ce richard ignorant que tu crois ton émule,
Pour ses derniers neveux dans l'ombre enseveli,
Expiant les honneurs d'un destin ridicule,
Doit même par ses fils être mis en oubli.
Pour seul bien tu voulus la gloire,
Mais à tes descendants lu vas la partager;
Au riche j'ai donné, sans flatter sa mémoire.
Des faux biens d'ici-bas l'usufruit passager.
S'il pouvait, dans son ignorance,
De ton sort et du tien peser la différence,
Il saurait que ma main qui t'a mieux protégé
Au-dessus du génie a placé l'opulence :
Tu verrais son dépit , et tu serais vengé !