Le Poète et l’Éditeur Augusta Coupey (1838 - 1913)

À Master Fédor le libraire,
Éditeur de Régnard, de Boileau, de Voltaire,
Un jeune poète inédit
Montre son rouleau manuscrit.
— Me proposer vos vers ! que vous êtes novice,
Repartit le libraire à l’offre de service.

Je n’imprime à mes frais que les auteurs connus.
Le poète lui dit : mes quatrains sont revus,
Daignez apprécier la vigueur de mon style…
— Vos épîtres, vos chants, seraient d’un imbécile
Que je les publierais si vous étiez Baron,
Colas, Janot, Aliboron :
Commencez tout d’abord par vous faire connaître,
Entrez à l’Institut, et posez-vous en maître,
Après revenez-moi. Si votre style est bon
Je le paierai peut-être un petit ducaton.
D’ici là mon faiseur d’épique,
Portez ailleurs votre pratique.
Ailleurs ce fut renvoi pareil,
Même refus, même conseil,
À rendre folle la Logique.
Le poète éconduit mourut à l’hôpital,
C’était un Lamartine, un Corneille, un Pascal
Transcendental.

Ne criez pas à la fable impossible !
Ne dites pas qu’il est inadmissible
D’enlèver les moyens de prouver le talent
Au postulant
Et d’exiger qu’il se fasse connaître,
Que tout cela ne se voit qu’à Bicêtre.
Votre incrédulité cesserait cher lecteur,
Si vous vous transformiez pour un seul jour auteur.

Livre I, Fable 17




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