Le Poète et la Pénitente Etienne Catalan (1792 - 1868)

Quel animal étonnant,
Qu'un Poète en mal d'enfant !
Quand sa fièvre le tracasse,
Il ne peut tenir en place,
Témoin Santeuil , qui , parfois,
A la cave, ou sur les toits ,
Enfantait sa géniture.

Un jour, notre original,
Pris, tout à coup, de son mal,
S'alla nicher, d'aventure,
En un confessionnal ;

Voilà qu'une Pénitente
Lui vient, toute haletante ,
Dire, au menu, ses péchés ,
Entr'autres ceux qu'une femme
A son mari tient cachés.

Or, tout durant que la Dame
Ses fredaines dépêchait,
Notre Poëte, en gésine,
Marmottait, à la sourdine,
Les vers dont il accouchait.

En l'écoutant, sa voisine
Pensa qu'il lui reprochait
Tout au long ses peccadilles,
Et fit, par l'addition
De trois ou quatre apostilles ,
Hâte à sa confession.

Mais, déjà, notre Amphion,
Qui bas avait mis sa ponte,
Plus ne chantait, pour son compte ;
Lors, avec contrition,
Du confesseur, la bonne âme
Requiert l'absolution :
Eh! répond Santeuil, Madame,
Point ne suis-je prêtre, moi ! -
Si vous ne l'êtes , pourquoi
M'écoutiez-vous donc, infâme ? -
Oui-da, femme de vertu,
Pourquoi te confessais-tu ?
C'en est trop ! Je vais me plaindre,
De ce pas, à ton Prieur ! -
A tout Seigneur, tout honneur :
Moi, je vais, sans lui rien feindre,
Tout conter à ton mari ! ...

Qu'en advint-il ? Bien on pense
Que, de garder le silence ,
Chacun d'eux prit le parti ;
Car, c'est assez l'ordinaire
Qu'on nous voie, en mainte affaire
Où le Diable nous a mis,
Nous traiter comme ennemis.

Et puis, en fin d'inventaire,
De peur d'être compromis,
Sans contrat et sans notaire,
Signer la paix, et nous taire :
Le danger nous rend amis.

Livre II, fable 17




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