Le Poète et le Tableau Éliphas Lévi (1810 - 1875)

Qui d'une âme triste et ravie
N'a contemplé le beau tableau
Qu'on nomme le soir de la vie ?
Un poëte est assis le soir au bord de l'eau :
Une barque s'en va portant l'amour, la gloire,
Et les illusions que pleure la mémoire.
Indifférent déjà même à leur souvenir,
Le poëte rêveur laisse tomber sa lyre,
Ne fait rien pour les retenir
Et les regarde sans sourire.
Le poëte…. Mais non, que dis-je, il ne l'est plus ;
Son âme est détendue et ses doigts sont perclus.
C'est un homme d'argent qui rêve la fortune,
Il veut vieillir dans un comptoir.
La gloire, les amours, sont une ombre importune,
Il les a reniés, il ne sait plus les voir.
Ah ! les illusions pour le cœur n'ont point d'âge,
Et l'âge mûr n'est point le déclin des beaux jours.
Anacréon fut bien plus sage,
Errant de rivage en rivage,
Il chantait, il chantait toujours,
Et soutenu par les Amours,
Il suivait la barque à la nage.

Livre V, fable 16


Symbole :

Ne pas croire aux illusions. Les réalités de Dieu étant mille fois plus belles que les rêves de l’homme, il ne faut jamais se contenter de rêver ce qu’on peut apprécier et connaître. La jeunesse, l’amitié, l’amour, la poésie, la gloire, tout cela est vrai, tout cela est éternellement vrai, bien que tout cela change de zone comme le printemps. Le printemps n’est pas une illusion pour les hirondelles ; elles ont le courage de le suivre et elles le retrouvent toujours.


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