Des compagnons d'Ulysse on connaît l'aventure ;
On sait que par l'effet d'un breuvage enchanté
(C'est Ovide qui l'a conté)
De divers animaux ils prirent la figure,
Bref, que Circé les changea tous
En lions, éléphants, ours, sangliers, et loups :
Or voici la fin de l'histoire,
Que nous a conservée un chroniqueur du temps :
Hé ! comment refuser d'y croire,
Lorsqu'elle date au moins de trois mille ans ?
Ce chroniqueur dit que parmi la troupe
Se rencontra l'auteur d'un poème ennuyeux,
Qui profanait le langage des dieux.
Ce grand diseur de riens, dans la fatale coupe
Avait bu largement, et plus que de raison.
Comme il épuisait sa faconde :
-Queferai-je de toi ? dit la Nymphe... un oison.
Je ferai plus je veux qu'au monde
Ta race pullule à foison. - Mon Poète emplumé soudain vole à la ronde,
Et partout pesamment va récitant ses vers,
Jusques à fatiguer les échos des déserts.
Il devint chef d'une immense famille.
Depuis ce temps, dit-on, elle fourmille
Dans tous les coins de l'univers ;
On ajoute pourtant, comme chose certaine,
Que du moment qu'elle eut cessé
D'habiter l'île de Circé,
Elle reprit sa forme humaine.