Jetez-vous à mes pieds, et baisez la poussière !
C'est ainsi qu'aux fleurs d'un jardin
Parlait un Tournesol levant sa tête altière,
Et ne laissant tomber qu'un regard de dédain
Sur la rose, l'œillet, le lis, et le jasmin.
Les fleurs ne bougeaient pas, elles restaient muettes.
-Comment, ajoute-t-il, pouvez-vous ignorer
Que c'est un maître ici qui parle à des sujettes ?
Empressez-vous de m'honorer. -
Même refus, même silence.
-Quoi ! mon titre de majesté,
Poursuit le matador avec plus d'arrogance,
Par vous serait-il contesté?
Connaissez ma grandeur, mon rang, et ma puissance.
Je suis l'image de Phébus ;
Ce sont des rayons d'or émanés de lui-même
Qui relèvent mon diadème ;
Je dois donc avec lui partager vos tributs. —
Chaque fleur rit au nez du sire, et rien de plus.
Il allait éclater, lorsqu'une Violette,
S'élevant du sein de l'herbette,
Sait en ces mots réprimer son courroux :
- Nous tenons du soleil nos attraits les plus doux ;
Par lui tout vit, se régénère :
Aussi lui rendons-nous un hommage sincère.
Mais toi, qui maintenant veux nous faire la loi,
Et recevoir le même hommage,
Pourrais-tu bien nous dire en quoi
Du soleil tu serais l'image,
Toi qui nais, vis, et meurs, comme la rose et moi ?