Auprès d'un jeune chêne, espoir d'un beau jardin,
Mais dont la tige frêle et le rare feuillage
Sur quelques palmes de terrain
Traçaient à peine leur ombrage,
Un tournesol tranchait de l'important,
Et, fier de sa prompte croissance,
Étalait avec arrogance
De ses soleils dorés le panache éclatant.
« Vois, disait-il au jeune chêne,
L'été qui m'a fait naître est encor radieux,
Et ma tête s'élève au-dessus de la tienne ;
Quatre saisons de plus, et j'atteindrai les cieux.
Mais toi, race d'arbuste, à ramper condamnée,
Le plus hardi jouteur n'oserait t'opposer
Au râteau du manant qui me vient arroser ;
Et cependant trois fois tu vis naître l'année.
- Cent fois, répond le chêne, elle ouvrira son cours,
Et mon front sera jeune encore :
J'ai des siècles à vivre, et tu comptes par jours.
Ton âge n'ira point à la centième aurore,
L'hiver me vengera de ton superbe espoir ;
Jouis de ta gloire éphémère.
J'ai vu déjà mourir ton aïeul et ton père.
Qui s'élève trop vite est plus prompt à déchoir. »
La menace ne fut point vaine.
L'automne de sa froide haleine
Flétrit de l'orgueilleux la tige et les soleils ;
Un coup de bêche en termina l'histoire,
Et le chêne vengé vit expirer sa gloire
Sur le fumier voisin, tombeau de ses pareils.
J'ai vu des tournesols au Parnasse, à l'armée,
Grandis par les salons, les prôneurs, les journaux,
S'éblouir de leur vogue, et, gorgés de fumée,
Traiter les chênes d'arbrisseaux ;
Ils ont vécu plus que leur renommée.