Le Roquet et le Porc-épic Antoine Le Bailly (1756 - 1832)

Un Roquet fanfaron, et des plus insolents
(Car l'un sans l'autre ne va guère),
S'estimait un petit Cerbère,
Et de ses cris aigus assourdissait les gens.
Certain jour, près d'un bois, il rôdait sur la brune,
Aboyant alors à la lune ;
Il voit un Porc-épic qui, dans l'ombre, et sans bruit,
S'acheminait vers son réduit.
Le chien l'aborde ; il l'insulte, il le brave,
Contrôle son allure grave,
Et semble vouloir l'attaquer.
Celui-ci pour le coup agite son armure,
Disant : Pauvre Roquet ! chétive créature !
Est-ce bien toi qui m'oses provoquer ?
Rends grâce au ciel que je sois pacifique.
Apprends que je porte à-la-fois
L'arc, et la flèche, et le carquois ;
Ma devise est enfin, Qui s'y frotte s'y pique ;
Ne t'y frotte donc pas, et poursuis ton chemin.
-Oui-da ! crois-tu me faire grâce ?
Répond le chien piqué de ce ton de dédain.
Non : je me ris de ta menace.—
Et sur le Porc-épic voilà qu'il fond soudain.
L'offensé ne peut plus retenir sa colère.
D'un premier trait lancé sur ce faible adversaire
Il vient de le blesser au flanc.
L'agresseur furieux en veut tirer vengeance ;
Mais, vains efforts ! la gueule et le nez tout en sang,
Loin du champ de bataille il fuit en diligence.

On voit de ces Roquets partout ;
Vous leur parlez raison ; mais sur eux que peut-elle ?
Force est, pour en venir à bout,
Que le coup d'aiguillon termine la querelle.

Livre IX, fable 12




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