Un homme de très haut parage
Avait acheté chèrement
Un perroquet, au beau plumage,
Bien gros, bien gras, bien éloquent.
Mais ne pouvant le panser en personne "
A son valet de chambre, il en remit le soin ;
Celui-ci, sur-le-champ, au jardinier le donne,
Le jardinier au portier l'abandonne
Et le portier le jette dans un coin.
Enfin, en dernière analyse,
La pauvre bête fut remise
A certain laquais fainéant,
Renommé par sa gourmandise,
Et qui du perroquet s'occupait rarement.
Souvent privé de manger et de boire,
Le front baissé, le ventre plat,
On l'entendit gémir, si l'on en croit l'histoire,
Et pleurer son premier état.
Que mon sort, disait-il, était plus agréable
Sous l'humble toit que j'ai perdu,
Mon ancien maître, homme doux et traitable,
A me panser était fort assidu,
Et m'offrait chaque jour quelque mets délectable.
Je n'avais, il est vrai, que lui pour me servir,
Mais il était sans négligence ;
Aujourd'hui que je suis au sein de l'opulence,
Que, d'un bonheur parfait, Jacquot devrait jouir,
J'éprouve tous les maux qui suivent l'indigence.
Chargés de satisfaire à mon moindre besoin,
Mille laquais ici m'environnent sans cesse
Mais ces maudits coquins, plongés dans la paresse,
Me font, hélas ! mourir de faim.
L'excès ne mène point au but que l'on espère ;
Et parmi nos Crésus, parmi nos grands seigneurs,
Le plus mal servi, d'ordinaire,
Compte le plus de serviteurs.