Le Bouvreuil et le Perroquet Théodore Lorin (19è siècle)

Petit bouvreuil, la simplicité même,
De son cœur seul avait pris des leçons ;
Il ne savait que ces mots : « Je vous aime ! »
Qu'il modulait sur tous les tons.
Survient un perroquet échappé de sa cage :
Chacun admire son plumage
Et son babil intéressant ;
Car, élevé par un savant,
Homme d'esprit et d'un mérite rare,
Il répétait d'un ton bruyant
Maint et maint adage piquant.
Au milieu de ce tintamarre,
Petit bouvreuil n'était plus entendu :
Il se retire confondu,
Cédant la place au brillant personnage.
De ce futile bavardage
On se lassa ; car l'esprit le plus fin
Éblouit un instant, mais fatigue à la fin,
Et du cœur seul le cœur peut goûter le langage.
On regretta pauvre bouvreuil :
Hélas ! si le chagrin l'avait mis au cercueil !.
L'inquiétude était extrême :
On l'appelle, on le cherche. Il n'était pas bien loin ;
On le trouva seul, dans un petit coin,
Où le pauvret, tout bas, soupirait : « Je vous aime ! »

A MA JEUNE AMIE NATHALIE V.

Sans négliger, ma chère Nathalie,
Ton charmant naturel et tes heureux talents,
Songe bien que la modestie
Vaut mieux que des succès brillants.
Cherche à te faire aimer, mais non pas à séduire :
Préfère le cœur à l'esprit,
Et sois plutôt le bouvreuil qu'on chérit
Que le perroquet qu'on admire.