Un bouvreuil, un corbeau, chacun dans une cage,
Habitaient le même logis.
L’un enchantait par son ramage
la femme, le mari, les gens, tout le ménage :
l’autre les fatiguait sans cesse de ses cris ;
Il demandait du pain, du rôti, du fromage,
Qu’on se pressait de lui porter,
Afin qu’il voulût bien se taire.
Le timide bouvreuil ne faisoit que chanter,
Et ne demandait rien : aussi, pour l’ordinaire,
On l’oubliait ; le pauvre oiseau
Manquait souvent de grain et d’eau.
Ceux qui louoient le plus de son chant l’harmonie
N’auraient pas fait le moindre pas
Pour voir si l’auge étoit remplie.
Ils l’aimoient bien pourtant, mais ils n’y pensaient pas.
Un jour on le trouva mort de faim dans sa cage.
Ah ! Quel malheur ! Dit-on : las ! Il chantait si bien !
De quoi donc est-il mort ? Certes, c’est grand dommage !
Le corbeau crie encore et ne manque de rien.