Un perroquet, un bouvreuil, une pie,
En même lieu vivaient de compagnie.
Le perroquet criait, sifflait,
Le bouvreuil chantait, gazouillait,
La pie en sautant babillait.
Jugez, à trois, de quel tapage
Ils régalaient le voisinage !
On eût dit un sabat tenu par des démons
Dans l'antre de' quelque sorcière.
Mais le plus plaisant de l'affaire,
C'est que chacun croyait avoir mille raisons
Pour se plaindre de son confrère.
Peste soit du musicien,
Et peste soit de la bavarde ! »
Disait le perroquet ; « voyez s'ils auraient garde
« De m'interrompre, moi qui contrefais si bien
Le sifflet du portier et la voix de son chien !
Allez-vous-en tous deux au diable, »
Disait le virtuose ; Allez, siffleur criard,
Et caqueteuse impitoyable,
Qui ne respectez pas mon art,
Et me feriez fausser, si j'en étais était capable
« - Mais conçoit-on rien à cela
Disait de son côté la pie ;
Véritablement, ces gens-là
Sont bien mauvaise compagnie.
On ne peut s'entendre parler ;
C'est pour en devenir malade :
L'un ne cesse de gazouiller,
C'est la gamme, c'est la roulade,
C'est un prélude, et puis encor....
L'autre fait le cri de la chatte,
Du chien qui s'est cassé la patte,
La clarinette ou bien le cor.
J'en suis vraiment tout étourdie,
C'est à n'y pouvair plus tenir,
Et si l'on ne les fait finir,
Ma parole d'honneur de pie,
Je me tais pour toute ma vie. »
Tandis qu'avec aigreur nos trois bruyants oiseaux
Tenaient ensemble ce langage,
Leur maître souriait d'un air malin et sage,
Puis sur son souvenir il écrivit ces mots :
« Lorsque l'importune présence,
Les sottes actions, les sots discours d'autrui
Me causeront par trop d'ennui,
De fatigue ou d'impatience,
Avant de m'en plaindre trop haut,
Afin de ne pas être injuste ou ridicule,
Je veux m'interroger avec un grand scrupule ;
Je veux examiner si, pour quelque défaut,
Je n'ai pas besoin d'indulgence,
Et si je puis, en conscience,
Exiger que, pour m'écouter,
Pour me laisser siffler, disserter ou chanter,
Les autres gardent le silence. »