Le Perroquet Adolphe Durand (1784 - 1878)

Si un chien mord tout le monde, tout le inonde le fuira, et avec raison. Eh bien ! L'homme n'aime pas plus à être raillé que mordu.

Un amateur avait rassemblé dans sa maison des oiseaux-de toute espèce, ceux d'Europe et ceux d'Amérique. Parmi eux se trouvait un perroquet, avec lequel tous les autres venaient jouer et folâtrer. -Cet animal ; railleur de son caractère, donnait des épithètes à tout le monde ; il appelait le moineau lourd ; la linotte babillarde ; le geai criard ; chacun enfin avait son mot. Un jour qu'un des commensaux proposait aux autres une visite au perroquet : « Non, lui dit-on, il fatigue tout le monde de ses épithètes malignes ; et nous sommes convenus de ne plus aller le voir. — Je suis de votre avis, dit celui qui avait fait la proposition, et quoiqu'il ne m'ait jamais rien dit à moi, je n'en ai pas moins été fatigué de ses sarcasmes ; j'entre donc dans votre coalition ; nous n'irons plus le voir, et même, si vous voulez m'en croire, quand il viendra parmi nous, l'assemblée se dissoudra ; et chacun ; se retirera de son côté. » Ainsi dit, ainsi convenu, ainsi exécuté ; et dans la suite, rebuté de tout le monde, l'oiseau railleur fut obligé de dévorer l'ennui de la solitude, au milieu de tant de commensaux.