Un perroquet, dès sa plus tendre enfance,
Avait d'un habile orateur
Reçu des leçons d'éloquence.
De retour dans ses bois, l'oiseau déclamateur
Chaque jour débitait à la gent animale,
D'un ton capable et véhément,
Les axiomes de morale
Qu'il tenait de son vieux savant.
Tantôt avec une force d'Hercule,
Il foudroyait les fripons, les pervers :
D'autres fois, pour fronder les vices, les travers,
Il saisissait gaîment l'arme du ridicule.
Mais hélas ! dans les bois, ainsi que dans les cours
Prêcher n'est pas toujours un sur moyen de plaire.
Des courtisans, par ses discours
Il excita la haine et la colère.
Un lin renard, surtout, ne put lui pardonner
D'avoir un jour osé tonner
Contre la fraude et l'artifice. »
Quoi ! dit-il, sous couleur de censurer le vice.
Cet ennuyeux bavard viendra nous condamner,
Et nous souffrirons, sans mot dire,
Qu'il nous harcelé ainsi du son aigre satire !
Car, n'en doutez pas, mes amis,
Contre chacun de nous il se croit tout permis.
D'odieuses couleurs quand il peint l'avarice,
C'est à vous qu'il en veut, économes fourmis.
Ses clameurs contre l'injustice
On dit pour objet le loup, la terreur des brebis ;
En se moquant de la bêtise,
À la fois il ridiculise
Notre bon frère Aliboron,
Et l'oie, et ce pauvre dindon.
Dans ses malins brocards contre le bavardage
On reconnaît la pie ; et le lièvre, peut-on
Le méconnaître au manque de courage
Qu'il fronde a tous propos ? Enfin chacun de nous,
Je le répète, est en butte à ses coups.
Il ne respecte point la majesté suprême,
Et dans ses sermons insolents,
Il n'a pas épargné notre monarque même :
Vous l'avez entendu contre les conquérants,
Qu'il traite d'injustes tyrans,
Lancer un fougueux anathème. » »
Mon cher ! interrompit le prudent éléphant,
A quoi bon celle virulence Contre un sage orateur ?
De notre frère absent
Je vais, en bon voisin, prendre ici la défense.
Nous nous voyons tous en butte à ses coups,
Avez-vous dit ; mais, je vous en conjure,
Qui donc a-t-il nommé ? Ce n'est ni moi, ni vous.
Contre le vice sa censure
Est générale, et c'est nous faire injure
Que de vouloir dans de hideux portraits
Reconnaître nos propres trait
N'allons donc pas commettre l'imprudence
De nous fâcher pour quelques mois railleurs :
Si nous voulons forcer les censeurs au silence,
Mes amis, devenons meilleurs. »