Je déteste les gens qui bâtissent leur nom
Sur les débris d'un auteur en renom.
Ainsi vous agissez, vous Mesdames les Prudes,
Car démolir autrui, c'est vos béatitudes.
Ainsi vous agissez nobles écrivassiers,
Qui par la calomnie amassez vos lauriers .
Poètes et Beautés ont un orgueil semblable ;
Ils se décrient l'un l'autre, et c'est fort misérable !
Celui qui de Lesbie exalte les doux yeux,
De sa sœur trouvera le regard nébuleux ;
Car pour la femme, il n'est plus douce flatterie,
Que verser sur une autre injure ou raillerie.
Par un beau jour du mois de mai
Où tout était et frais et gai,
Où le souffle embaumé de chaque fleur nouvelle
Vers un ciel tout d'azur montait à tire d'aile,
Un Poète cueillit une rose, et soudain
En extase, écrivit sur elle ce dizain :
" Au sein de ma Chloé va te reposer Rose,
Va vite, j'envierai ton sort,
Je voudrais être toi pour y trouver la mort,
Car la mort ce n'est rien sous un beau laurier-rose !
Comme un Phénix d'ailleurs dans un brûlant transport
Je renaîtrais peut- être... Et pour si belle cause
Que ne risque-t-on pas ?... Mais toi , ma pauvre rose,
Sur le sein de Chloé quand tu trouves la mort,
Tu meurs d'envie... ah ! moi, c'est autre chose
Si je meurs, c'est d'amour !... le bel apothéose !!! "
" Comparaison n'est pas raison, faquin !
Repartit une rose, à l'auteur du dizain :
"Vous qui prenez dans notre empire
Les roses de vos vers, leurs parfums, leurs couleurs,
Vous n'avez pas le droit de nous railler, beau Sire !
Contentez-vous de voler nos odeurs,
Pour les épandre sur les charmes
De vos Chloés, de ces vertus-gendarmes
Que vous affadissez sous cet encens menteur . . .
Faut-il donc nous flétrir pour mieux plaire à ces dames,
Et pour gagner leur cœur
Faut-il donc nous lancer de sottes épigrammes ? "