Le temps n’est plus très jeune ; il a quelque mille ans ;
C’est un âge avancé pour le commun des gens
Qui fêtent bruyamment ici-bas sur la terre
Un rare petit centenaire.
Les géologues curieux,
Par le calcul, avec la sonde,
Voudraient préciser en tous lieux
L’heure exactement sûre où le Temps vint au monde,
Premier du nom et sans aïeux.
Le Temps leur cache à tous son extrait de naissance
Et les réduit à l’impuissance
De livrer le secret des dieux.
Beau vieillard encor vert, et marcheur intrépide,
Il désigne à la mort qui suit son pas rapide,
Hommes, femmes, enfants, le chêne, les roseaux,
Ce qui se meut dans l’air, ce qui vit dans les eaux.
Là, sa tâche finit. Aussi bien il s’étonne
D’entendre les humains, hiver, printemps, automne,
L’accuser de leurs maux.
C’est le temps, disent-ils, aujourd’hui variable,
Qui nous fait éprouver ce mal intolérable
À l’épaule, aux sourcils, aux pieds, aux doigts, aux mains ;
Je le sentais venir à ma douleur de reins ;
Il tracassait hier mon pauvre rhumatisme ;
S’il se mettait au beau, l’état de rachitisme
Qui ne me quitte pas, promptement céderait
Au remède bénin qu’on m’administrerait.
— Si je me mets au beau, repartit en colère,
Le Temps, sans s’arrêter — ce qu’il ne saurait faire —
J’ouïrai maintes gens crier que le soleil
Leur donne le vertige et gonfle leur orteil.
Loin de vous plaindre ainsi, bénissez au contraire
Le Temps, grand médecin, délivrant la matière.
Car c’est Lui, tôt ou tard, qui d’un revers de faux
Vous guérira, mortels, un jour de tous vos maux !