Le Torrent et le Temps Adine Joliveau (1756 - 1830)

Vers la plaine un Torrent précipite ses flots,
Il fait trembler les monts et gémir les échos ;
La terreur le précède et la mort l'accompagne ;
Avec fracas dévastant la campagne,
II entraîne les ponts, les vergers, les hameaux;
Sur un roc le berger contemple tant de maux
– Torrent fougueux, tu jouis de détruire,
Crie un vieillard tu fais le malheur de ces champs,
Dans un règne de peu d'instants ;
Fils orgueilleux d'un coupable délire,
Eh que t'a fait ce toit hospitalier,
Et cette cabane isolée,
Asile heureux de l'utile fermier ?
Que t'a fait des pasteurs la troupe désolée ?
Vois-tu ce fleuve au loin, noble et majestueux,
Il n'affecte jamais ton cours impétueux
Ses bords fleuris prouvent sa bienfaisance.
- Le Tartare, il est vrai me vomit de ses flancs ;
La destruction est ma mère ;
Dans mon existence éphémère
Mon triomphe est fondé sur tes maux de la terre.
Toi, réponds, n'es -tu pas cet inconstant vieillard,
Qui renverse détruit, mine et produit sans cesse ?
Célèbre moissonneur, sans pitié, sans égard
« Le temps enfin. - Oui, mais avec sagesse,
Loin d'imiter le hardi novateur,
Pour opérer le bien j'agis arec lenteur ;
Et si le destin inflexible
M'assujettit aux changements,
Chacun d'eux est presqu'insensible.

Les sages imitent le Temps.

Livre I, Fable 5




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