Le Lac et le Torrent Baron de Stassart (1780 - 1854)

D’un lac tranquille et pur la naïade indolente
Disait en se mirant dans ses limpides eaux :
Ah ! que ce calme est doux, que mon aine est contente !
Le bonheur est dans le repos.
Ce torrent dont je vois l’écume blanchissante,
Ce torrent dont le bruit fatigue les échos,
Comme il s’agite et se tourmente!
Avec fracas comme il roule ses flots !
Renversant tout sur son passage,
Toujours en proie à sa fureur,
Hélas ! sa vie est un orage.
Il ne sait pas jouir des fleurs
Qu’il voit naître sur son rivage.
Ah! qu’il me fait sentir que mon repos est sage!
Le ciel même ne peut en troubler la douceur;
De ma raison mou bonheur est l’ouvrage :
Le calme de mes eaux peint celui de mon cœur.
A peine elle achevait... Ô disgrâce imprévue!
Un ruisseau souterrain, par le torrent enflé,
Se mêle aux eaux du lac, et cherchant une issue,
Mine et perce ses bords; le rivage éboulé
Présente aux flots surpris une pente inconnue:
Leur calme disparaît, le cristal est troublé,
Un murmure confus succède à leur silence:
Vers ce passage ouvert chacun court et s’élance.
La naïade en vain se défend;
En vain elle gémit, en vain elle s’irrite,
Elle s’émeut, et se trouble, et s’agite;
Elle bouillonne, elle se précipite,
Et le lac devient un torrent.

Cessez de vous vanter, Lucile,
D’avoir un cœur indifférent.
Pour troubler l’eau la plus tranquille,
Il ne faut qu’un léger penchant.





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