La Glace et le Tain Le Marchant de Viéville (17?? - 18??)

Une fois large glace avait au moins de haut
Neuf pieds : c’était une glace admirable,
On n’y voyait pas un défaut :
Mais elle était insupportable
Par son humeur et par sa vanité.
Il fallait l’admirer sans cesse ,
S’extasier sur sa beauté ,
Même la traiter de Hautesse.
» Sans moi, lui dit un jour le Tain,
» A quoi seriez-vous nécessaire ?
» Vous chercheriez en vain à plaire ?
» Et vous végéteriez au fond d’un magasin.
» Réfléchiriez-vous la lumière ?
» En or vous encadrerait-on ?
» Ah ! croyez-moi, ne soyez pas si fière
» Et baissez un peu votre ton.
» Si vous rendez la vive image
» Avec beaucoup de vérité,
» De chaque objet qui vous est présenté,
» Ce bel effet est mon ouvrage.
La glace alors de l’insulter,
D’avoir recours à la menace,
Pour achever de l’irriter,
Le tain coule au bas de la glace.
La belle nue enfin reconnut son erreur,
Et sentit, mais trop tard, son injustice extrême.
A qui s’en prendre ? elle était elle-même
Cause de son malheur.
De ma fable le sens à saisir est facile,
Et la morale la voici :
Ne nous faisons jamais un ennemi
De celui qui nous est utile.

Livre I, fable 4




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