Le Fragment d'une glace Simon Pagès (17ème siècle)

C'est nous qui du soleil répétons les rayons.
Quels feux! quelle vive lumière
Partent de notre sein! Oh! comme nous brillons!
Saphir! petit jaloux, vous n'êtes qu'une pierre ;
Porphire ! diamant! qu'êtes-vous prés de nous?
Fi! de misérables cailloux.
C'est ainsi que parlait le fragment d'une glace.
Abandonné sar le bord d'un ruisseau,
Pirouettant de place en place,
Par le vent et la pluie il est trainé dans l'eau.
Sa vanité sera-t-elle punie?
Voyons la fin. Dans un moment,
Petit ruisseau devient torrent,
Et notre fanfaron mène une triste vie.
D'abord le voila culbuté.
Marionnette au nouveau monde,
Parle gravier qui roule au fond de l'onde,
On voit le drôle ballotté.
Il fit et tant et tant de cabrioles,
Qu'on n'est pu les compter ; croyez-moi sur paroles.
Son habit d'argent vif fut bientôt emporté.
Enfin il fut laissé sur un monceau de terre,
Couvert de vase, triste verre.
Ul gémissait. Par sa plainte excité,
Le plus vieux des cailloux, sans doute son cher frère,
Lui dit : Pourquoi gémir? Pensez a notre père :
Songez que vous n'aviez qu'un éclat emprunté.

Livre III, Fable 17




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