Le Lionceau et le Renard Le Marchant de Viéville (17?? - 18??)

Un Lionceau des plus ambitieux,
Ardent comme on l’est au bel âge,
Trouvait son état malheureux.
» Un sceptre, disait-il, sera mon héritage ;
» Mais, s’il faut attendre la fin
» Du Lion septuagénaire
» Que le hasard a fait mon père,
» J’attendrai, le fait est certain,
» Et trop long-tems, la chose est claire.
» D’après ce beau discours, on sent que le Renard,
Dont la logique est très-profonde,
Sera choisi pour forcer le vieillard
A s’en aller dans l’autre monde.
Le Renard est séduit. Le plus subtil poison,
Ravit à ses sujets le plus tendre Monarque
Que respectait la Parque,
Et que dirigeait la raison.
Le Lionceau, ceignant alors le diadème,
Sentit au fond du cœur combien il est honteux
D’avoir à rougir de soi-même,
Surtout quand le secret se partage entre deux.
Afin de mieux cacher son crime,
Il se servit de la force et de l’art,
Et le régicide Renard
Expira sa triste victime.
Vous que l’intérêt fait agir
Et qu’on voit vous prêter à plus d’une manœuvre,
Songez, songez toujours qu’un traître doit périr
Par celui qui l’a mis en œuvre.

Livre I, fable 3




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