Dans une prairie
Flétrie
Souvent
Par l'haleine du vent
Et les ardeurs croissantes
Du soleil,
Quelques fleurs languissantes
Virent, à leur réveil,
Deux nouvelles fontaines
D'une eau limpide pleines
Jusques au bord.
Ce fut d'abord
Grande allégresse,
Et l'on rit de la sécheresse
Qui menaçait encor
De ralentir dans leur essor
Les jeunes tiges ;
L'on crut que les derniers vestiges
Des jours mauvais
Allaient s'effacer à jamais :
L'une des fontaines profondes,
Gazouillant comme les oiseaux,
Promena parmi les fleurs blondes
Un joli filet de ses eaux ;
Mais l'autre, qui craignait sans doute
De voir son lit se dessécher,
En refusa même une goutte
Aux fleurs qui venaient en chercher.
Cependant la fontaine pure
Qui s'épanchait dans la verdure
Ne tarissait aucunement ;
Et par le ciel et par la terre
Lui revenait avec mystère
L'eau qu'elle donnait librement.
L'autre, qui n'aimait qu'elle-même
Et qui pouvait donner beaucoup,
Eut frappée, un jour, d'anathème
Et se dessécha tout à coup.
Donnez au malheureux et donnez avec joie,
Cela n'appauvrit pas : donnez à pleines mains ;
Ce qu'on donne revient ; c'est Dieu qui le renvoie
Par de mystérieux chemins.