J'ai lu dans un auteur, chez les Perses vanté...
Son nom ? me dit quelqu'un : et, censeur, que t'importe
Par quelle main, comme de quelle sorte
Te parvienne la vérité?
Ainsi que Dieu lui-même, immuable, éternelle,
Que ce soit Zoroastre, Amphion ou Linus,
Socrate, Carondas, Solon ou Zaleucus,
Tout autre sage enfin dont la voix la révèle,
Mérite-t-elle plus nos respects, notre encens
Que si nous la tenions d'un mortel moins illustre ?
Ses traits en sont-ils plus puissants ?
Que fait à son prix, à son lustre
L'oracle plus ou moins obscur
Qui nous la fait connaître ?
En perd-elle rien de son être ?
Son éclat en est-il moins pur ?
Non. Venons donc au fait. Mainte et mainte fontaines
Lasses de ne former que de petits ruisseaux,
Et de n'arroser de leurs eaux
Que de sombres vallons ou de chétives plaines,
Prièrent le maître des dieux
De vouloir bien les traiter un peu mieux.
Ce mieux, c'était les changer en rivières,
Non de celles qui vont dans des fleuves plus grands
Décharger leurs courants,
Mais de celles qui, les premières
Dans l'ordre navigable, offrent à l'univers
Le spectacle imposant de porter des navires,
De traverser maints états, maints empires,
Et de mêler enfin leurs flots à ceux des mers.
A ce vœu ridicule en vain le dieu résiste ;
A devenir fleuve on persiste :
Il cède donc. Lors sources de s'enfler,
Ruisseaux de se gonfler
Et leurs flots de s'épandre ;
Puis roulant en torrents
De tous côtés s'étendre
Et dévaster les villes et les champs.
Dans leur immense et terrible ravage,
Du siècle de Ducalion
Partout ils présentaient l'épouvantable image :
Le globe semblait près de sa destruction.
Mais on vit en moins d'une année
De ces flots vagabonds la course terminée.
Tous ces fleuves nouveaux
De cent siècles et plus ayant, dans cet espace,
Epuisé, dissipé les eaux,
On n'en vit bientôt plus même la simple trace,
Tandis que les anciens rendus à leurs canaux
Reparurent enfin non moins grands et plus beaux.