Trois frères, une nuit, firent un même songe —
Le fait est certain ;
Je me garderais bien de vous dire un mensonge, —
Or, dès le matin,
Chacun d’eux s’empressa de le conter aux autres.
Ces bons apôtres,
Qui pouvaient se damner pour une pièce d’or,
Avaient rêvé que sur la cime nue
D’une montagne assez connue
Se trouvait un trésor.
Un seul d’entre eux, pourtant, en deviendrait le maître :
Celui-là qui, bien entendu,
Y serait le premier rendu.
Trois rêves si pareils, il faut le reconnaître,
Devaient venir d’en haut,
Et cela leur parut d’une grande évidence.
Chacun regretta bien alors sa confidence
Et se promit de partir au plus tôt.
Il arriva qu’ainsi tous les trois dans la plaine
S’élancèrent à la fois.
Ils coururent longtemps. Ils étaient hors d’haleine
Quand ils arrivèrent tous trois
Devant une large fissure.
Le premier fait un bond, sans calculer d’abord,
Et sa jambe, peu sûre,
Ne peut atteindre l’autre bord :
Il tombe dans le vide ;
Le deuxième de peur s’arrête tout livide,
S’assied sur une pierre et longtemps reste là ;
Le troisième, plus sage,
Cherche un passage
Qui le mène au delà,
Le trouve et gagne,
Par un sentier fort imprévu,
Le sommet de cette montagne
Où gît l’or précieux en son rêve entrevu.
N’agissez pas en téméraire,
Sans examiner le danger ;
N’allez pas, non plus, vous ranger
Parmi ceux qui, tout au contraire,
Devant quelqu’obstacle puissant
Demeurent là tout gémissant.
Réfléchissez, je le répète,
Et quand vous aurez réfléchi
Cet obstacle qui vous arrête
Sera facilement franchi.