Un monarque puissant, — écoutez cette histoire,
Elle est fort instructive et le fait est notoire, —
Par un de ses sujets fut un jour insulté,
Crime, chacun le sait, de lèse-majesté,
Et le coupable, hélas ! pour cette grave offense,
Fut aussitôt jugé digne de la potence.
Déjà le patient, par la foule attendu,
La haine dans le cœur, allait être pendu.
Oui, la foule était là, hurlante, impitoyable,
Avide d’assister à ce drame effroyable ;
Car l’homme se complaît, — rien est-il plus affreux ? —
A voir dans les tourments périr un malheureux,
A contempler de près l’instrument du supplice,
Le bourreau s’apprêtant à faire son office.
Mais, ô bonté de Dieu ! soudain en cet endroit,
Avec toute sa cour, vient à passer le roi.
Alors le patient, qu’emporte sa furie,
Le menace des yeux, l’insulte et l’injurie.
— Que dit-il ? fit le prince aussitôt s’adressant
À quelqu’un de sa suite, homme compatissant.
— Sire, avant de quitter ce séjour de misère,
Il offre à Dieu, pour vous, ses vœux et sa prière ;
Il reconnaît ses torts, vous demande pardon :
« Pardonner est, » dit-il, « le plus précieux don
Que le ciel nous ait fait. » — Sire, c’est un mensonge,
S’écrie un courtisan : loin que cet homme songe
A confesser ses torts, en proie à la fureur,
Il exprime pour vous ses sentiments d’horreur :
Il ose vous braver ; contre vous il blasphème,
Et voudrait au gibet vous voir pendu vous-même…
— Monsieur, répond le prince avec sévérité,
Je crois que le premier a dit la vérité.
Du bien que je dois faire, à vous le grand registre,
Dit-il à celui-là ; je vous fais mon ministre ;
Ouvrons à mes sujets une ère de bonheur,
En rendant à cet homme et la vie et l’honneur.
Mensonge, à mon avis, s’il porte à l’indulgence,
Vaut mieux que vérité qui pousse à la vengeance.